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vendredi 21 septembre 2012

Un site de la première guerre mondiale riche en enseignements défensifs : le fort de la Pompelle.

 
Conformément aux plans du général Séré de Rivières, que nous avons déjà évoqué à l’occasion d’un article sur la poliorcétique, ce fort fut construit en 1883 pour compléter la ceinture fortifiée de Reims. Doté initialement de 6 canons de 155mm (modèle 1877 de Bange), de 4 canons de 138mm, de pièces de flanquement et de mitrailleuses, l’ensemble servi par 277 artilleurs, il fut désarmé avant la première guerre mondiale.

Néanmoins, il est occupé par les Allemands, le 4 septembre 1914, avant d’être reconquis, après la bataille de la Marne, par le 138ème régiment d’infanterie, le 24 septembre, de la même année. Il devient alors la clé de voûte de la défense du secteur de Reims.
Pièce principale d’un dispositif défensif convoité par les forces allemandes, il résistera pendant quatre ans sous l’impulsion d’un chef militaire illustre mais également avec l’appui  de moyens feux originaux ou encore, grâce à la bravoure des brigades spéciales impériales russes déployées sur place en 1916. Ce site est aujourd’hui un remarquable lieu de mémoire pourvu de pièces d’époque rares.

 
1-L’action du chef.

 
Pendant 4 ans, les troupes de Berlin vont multiplier les assauts contre le fort dont les structures seront bouleversées par les bombardements, les mines, les attaques de chars (très rares du côté allemand), les vagues d’infanterie et les attaques au gaz. Les fantassins et artilleurs français qui y sont retranchés vont résister sous l’impulsion du général Gouraud qui commande la 4ème armée française entre1915 et décembre 1916 dans le secteur sud de Reims. Proche de ses hommes, charismatique, il imprime à son unité le sens du sacrifice et une opiniâtreté remarquée. Il revient à la tête de cette armée en juin 1917 pour être l’artisan, de la victoire face à la dernière offensive et percée allemande de juillet 1918 (opérations de Ludendorff et d’Hindenburg avec les Stoss Truppen). Il contre-attaque ensuite à la fin septembre en direction de Sedan.
En effet, le 14 juillet dans la nuit, un commando de 5 hommes conduit par le lieutenant Balestier capture plusieurs soldats allemands dans leurs lignes. Ces captifs font état d’une attaque violente ennemie planifiée pour le lendemain à 00h15 avec une forte préparation d’artillerie. Le général Gouraud, fort de ce renseignement, pourtant invérifiable, décide de saisir l’opportunité pour surprendre les Allemands. Il fait évacuer les premières lignes et se replie sur une ligne intermédiaire. L’assaut adverse a bien lieu mais s’émousse en tombant sur des positions vides puis face à la puissante contre-attaque française qui peut compter sur l’appui de la garnison du fort de la Pompelle.
 
2-Des défenses originales.

 
Le fort est appuyé par l’aviation de combat qui se développe et protège le ciel au-dessus de la Pompelle, en particulier, en écartant les observateurs d’artillerie allemands embarqués. D’ailleurs, René Dorme, un des as français (23 victoires homologuées) trouve la mort à proximité du fort. Mais surtout, étonnamment, la défense de cette position majeure est confiée, en partie pour l’appui feu, à la marine nationale. En fait, pour assurer un complément d’appui d’artillerie à la forteresse, l’état-major fait appel aux canonnières fluviales de la marine. Ainsi, de septembre 1915 à septembre 1917, les 3 batteries (4 canonnières par unité) de la flottille du capitaine Schwerer se relaient sur le canal de l’Aisne à la Marne et se mettent à l’abri, entre chaque tir, dans le souterrain du Mont-de-Billy notamment, quand l’artillerie allemande riposte. L’utilisation de la dimension fluviale souvent évoquée dans la doctrine contemporaine mais peu mise en œuvre (du moins depuis la guerre du Vietnam et les unités du delta du Mekong) est une tactique payante pendant la première guerre mondiale. En effet, aucun navire ne fut détruit, y compris quand les Allemands tentèrent de bombarder les écluses pour assécher le canal. Ces bâtiments furent effectivement redoutables par la puissance de leur tir autour du fort de la Pompelle. Ces bateaux, avec leur équipage de 20 marins, étaient équipés d’un canon de 140mm (portée 15km) et de deux canons anti-aériens de 37mm. Longs de 28,5m, larges de 5m et pesant 110 tonnes, ils pouvaient être très mobiles grâce aux deux chaudières qui les propulsaient.
Enfin, si 180 régiments se succédèrent dans le fort, il faut noter l’action remarquée de deux brigades spéciales russes en 1916 qui défendront avec bravoure cette position au prix de lourdes pertes.

 
 
 
 
3-Le fort aujourd’hui.

 
Abandonné pendant 40 ans, le fort fut racheté par la Fédération Nationale André Maginot en 1955 avant d’être cédé à la ville de Reims dont le maire Jean Taittinger écrivait en 1968 : « La ville de Reims, reconnaissante du sacrifice des milliers de ses défenseurs, a décidé que ce sol sacré ferait désormais partie du patrimoine de la Cité. Le nom du fort de la Pompelle mérite d’être gravé pour l’éternité dans les annales de la Patrie ». On peut aujourd’hui le visiter et y découvrir de nombreuses salles consacrées à l’artillerie (canons de 75, « crapouillots »,…), aux unités russes qui y servirent ou aux pilotes français. Mais le point d’orgue reste l’étonnante collection unique qui regroupe 560 coiffures de l’armée impériale allemande.
 
En conclusion, le fort de la Pompelle demeure un exemple symbolique des édifices défensifs de la première guerre mondiale et du rôle de ces forteresses pour fixer un ennemi, briser ses offensives ou pour appuyer une contre-attaque. Fixe, ce type de positions fortifiées permet également de faire appel à des appuis particuliers depuis les cours d’eau ou la troisième dimension. Enfin, cœur de la résistance française, ce fort met en exergue la personnalité et l’audace du général Gouraud et rappelle l’apport des troupes alliées au cours de ce conflit meurtrier.

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