Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

samedi 10 novembre 2012

La tactique : histoire et fondements (6).


 
 
Néanmoins, la défaite de 1870 impose aux penseurs tactiques de faire le choix entre l’héritage du passé ou la rupture avec les dogmes passés. En France, Clausewitz a largement influencé les jeunes officiers français qui vont entretenir le mythe de l’offensive à outrance censée faire reculer l’adversaire par des modes d’action alliant masse, assauts frontaux, choc et artillerie de campagne exclusivement dédiée à l’appui des troupes au contact. Ce que l’on appelle les "jeunes Turcs" -très bien décrits dans l’ouvrage du colonel Goya ("La chair et l’acier")- conduits par le colonel Grandmaison sont ainsi les apôtres de ces théories : "Dans l’offensive, l’imprudence est la meilleure des sûretés… Il faut se préparer à la méthode qui puisse forcer la victoire en cultivant, avec passion, avec exagération et jusque dans les détails les plus intimes de l’instruction, tout ce qui porte, si peu que ce soit, la marque de l’esprit offensif. Allons jusqu’à l’excès et ce ne sera peut-être pas assez".

 

D’autres, comme le général Lewal ou le futur maréchal Foch, en créant l’école supérieure de guerre et en y enseignant, tentent de développer la réflexion doctrinale et l’émergence de principes fondateurs pour la conduite de la bataille. Foch, influencé par son professeur, le colonel Millet cherche à adapter la tactique à l’évolution technique de l’armement et au pouvoir destructeur du feu et ce, grâce à la vitesse de la manœuvre, à l’exploitation de chaque opportunité ainsi qu’à la conquête de points clés. Dans ses ouvrages comme "La conduite de la guerre" il théorise dans le détail sa vision, même s’il aura lui-même bien des difficultés à la mettre en œuvre face aux réalités de la première guerre mondiale. Il décrit ainsi trois principes qui forgent le cœur de sa pensée. Tout d’abord, la liberté d’action ou capacité à agir. Il s’agit de conserver le libre choix pour choisir les moyens de remplir la mission en tenant compte des contraintes amies, du terrain ou de l’adversaire. Puis l’économie des moyens qui représente à la fois une bonne répartition des forces mais aussi la préservation du potentiel dans la durée. C’est bien la recherche d’une disponibilité des moyens au bon moment et au bon endroit pour faire face aux évolutions de la situation. Ce principe fait appel à deux facteurs particuliers : l’expression claire du choix de l’objectif majeur et l’affectation raisonnée des forces à des ensembles tactiques (groupements ad hoc, différences entre action principale et opérations secondaires…). Enfin, Foch met en exergue la sûreté qui tient uniquement à la constitution de réserves face aux frictions du champ de bataille.

Dans un autre registre, des auteurs anglo-saxons mais aussi les généraux issus de la conquête coloniale comme Charles Calwell, le général du Barail ou encore le maréchal Lyautey réfléchissent déjà sur ce que l’on nomme les "petites guerres", sur des théâtres (que l’on qualifierait aujourd’hui d’asymétriques) où il faut lutter contre les tribus d’Afrique du nord, les soldats du Mahdi au Soudan ou les cavaliers tatares.

Malheureusement, l’enfer de la première guerre mondiale semble sonner, pour un temps le glas de la réflexion doctrinale et la pensée tactique (du moins jusqu’en 1918) mais nourrit l’expérience d’une nouvelle génération de penseurs.

 
2.4 L’héritage des deux guerres mondiales.


Suite aux expériences du premier conflit mondial, les britanniques Liddell Hart et Fuller développent la théorie de l’approche indirecte basée sur la souplesse tactique, la recherche de l’opportunité, les manœuvres enveloppantes ou encore l’action sur les arrières comme sur les lignes d’approvisionnement de l’adversaire. Liddell Hart publiera ainsi 27 livres entre 1918 et 1950 et inspirera les états-majors allemands de l’entre-deux guerres. Rommel écrira d’ailleurs à son propos : "Les Anglais auraient évité la plus grande partie de leurs défaites s’ils avaient mieux étudié les théories modernes exprimées par ce penseur".

En effet, l’auteur s’appuie sur l’histoire militaire pour convaincre ses lecteurs que :

- la dislocation physique et psychologique de l’ennemi précède sa défaite ;

- c’est la mobilité et non la masse qui est efficace en tactique ;

- Clausewitz a défiguré la doctrine de Napoléon.

Un de ses exemples phare pour illustrer son propos sera la puissance de la cavalerie mongole de Genghis Khan dont l’organisation pourrait être transposée à l’emploi des blindés.

 
A suivre …

 
 

Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz

 

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