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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

dimanche 17 février 2013

Petites guerres et contre-insurrection : perspectives historiques (4).


La période coloniale du XIVème  siècle et de la première partie du XXème siècle.


A l’été 1830, l’armée française du général de Bourmont s’empare d’Alger et voit se former, face à elle, la résistance de divers groupuscules soutenus par des religieux locaux qui appellent, dès le 26 juillet, la population au « Jihad » contre l’envahisseur. En 1832, ces insurgés s’organisent avec, d’un côté le Bey du Constantinois, et de l’autre un marabout mystique qui se fait nommer émir par des tribus du Mascara, Abdel Kader. Ce dernier négocie d’abord avec les chefs militaires français mais l’accroissement de son pouvoir ainsi que le soutien de puissances européennes (Prusse) en font rapidement un adversaire dangereux pour l’expansion coloniale française. A ce titre, il fait l’objet de campagnes militaires et de raids (dont la saisie de sa « Smala » assurant la logistique de ses combattants) d’autant qu’il tend, en 1835, une embuscade sanglante contre un détachement français du général Trezel au milieu des marais proches de la rivière Macta. Traqué, il faudra l’intervention successive des généraux Bugeaud et Sillègue tout comme le déploiement de près de 100 000 hommes pour défaire la guérilla d’Adbel Kader et ce, afin que celui-ci finisse par se rendre au duc d’Aumale en 1847.




La France devra ensuite pacifier le reste de l’Algérie face aux insurrections kabyles, à celles du Sahara comme à celles d’El-Mokrani dans le centre du pays (dont les combattants sont exhortés par les discours du dévot Cheik Haddad). Si les unités conventionnelles maintiennent l’ordre parallèlement aux efforts pour diviser les tribus et affaiblir l’insurrection, cette dernière remporte régulièrement des succès tactiques face à des modes d’action inadaptés ou face à des officiers interprétant mal les coutumes locales. C’est le cas par exemple de la mission Flatters qui devait relier l’Algérie au Soudan mais sera massacrée par des Touaregs au puits d’Amgi en 1881.

Néanmoins, le contrôle du pays est réalisé au travers du nouveau maillage militaro-administratif des « Bureaux arabes ». Ces derniers sont au contact de la population et des notables locaux tout en symbolisant l’Etat français aux confins de l’Algérie. Cette méthode, alliant répression brutale et contact avec les peuples indigènes, est utilisée sur divers théâtres coloniaux par les généraux Lyautey et Gallieni : au Maroc, en Indochine comme en Afrique noire (conquête de l’Afrique occidentale) ou à Madagascar. A chaque fois, les combats ayant pris fin, les troupes françaises facilitent le retour aux administrations, construisent des écoles, favorisent l’agriculture et le commerce (marchés) ou bâtissent des infrastructures de transports (chemins de fer, ponts, routes) pour désenclaver les régions pacifiées. Ces actions civilo-militaires, pour utiliser un terme contemporain, sont ainsi sensées permettre la normalisation de la situation et l’acceptation des nouveaux colons.

Pour tous les autres pays occidentaux, comme le décrit Charles Calwell dans son livre « Petites guerres », l’adaptation militaire à ces combats irréguliers est difficile. Que ce soient les Britanniques au Soudan face aux derviches du Mahdi, en Afrique du Sud contre les Zoulous ou les Boers mais aussi les Russes opposés aux Tatares, la puissance de feu ne suffit plus pour vaincre. Comme en feront l'expérience les Français au Mexique en 1863, la bataille décisive, si chère à Clausewitz, n’est que rarement permise aux belligérants. Une nécessaire adaptation à ces menaces asymétriques est alors menée par les forces conventionnelles européennes pour protéger sur ces théâtres "exotiques" les acquis territoriaux, les unités (fortifications, camps retranchés) ou tout simplement les lignes de communication nécessaire à une logistique efficace. Aussi, voit-on apparaître des unités spécialisées comme les « Camel Corps » anglais chargés de tenir les points d’eau soudanais, les colonnes mobiles du colonel Du Pin au Mexique, la mise en place de postes militaires pour quadriller les régions voire le massacre des troupeaux et des cultures des insurgés pour les priver de leur logistique (troupes tsaristes au Turkestan). La mobilité opérative (à l’image des cavaliers boers qui pallie l’infériorité des effectifs par l’ubiquité des attaques et le harcèlement sur de larges espaces) tout comme les tactiques en rideaux (dans la profondeur) influencent les principes et la doctrine européenne, comme en témoignent les débats à l’Ecole supérieure de guerre française à la fin du XIXème siècle.    

Malgré les hécatombes des tranchées et le retour à la guerre totale, le premier conflit mondial voit dans sa périphérie l’utilisation de la guérilla. C’est le cas dans la péninsule arabique et en Palestine où un officier britannique, Lawrence d’Arabie, organise le soulèvement militaire arabe contre les armées ottomanes. Ces dernières, confrontées aux attaques rebelles sur leurs voies d’approvisionnement ou les carrefours régionaux ne peuvent consentir suffisamment d’hommes à la contre-insurrection. Harcelés et affaiblis, les Turcs cèdent devant les guerriers arabes. Après 1918, les colonies sont de nouveau secouées par des soulèvements et des insurrections. Néanmoins, la France semble avoir fait la synthèse des modes d’action de contre-rébellion pour pacifier le Maroc dans les années 1930 face aux tribus fidèles à Abdel Krim. Aussi, de 1931 à 1934, le général Huré et son corps colonial vont vaincre tous les nids de résistance dans des terrains pourtant difficiles (vallées profondes, crêtes hautes et boisées) dans le grand Atlas. En utilisant des moyens interarmes, des automitrailleuses, des avions (appui au sol, ravitaillement, renseignement), de l’artillerie mais aussi des troupes supplétives locales, le général français réussit à vaincre ses ennemis, avec peu de pertes, sur de longues distances (15 km de profondeur et 100 km de large). Il déploie ses forces en interdisant les « razzias » mais en privilégiant la surprise (attaques de nuit ou par conditions météo défavorables), la flanc garde, la mobilité (utilisation de camions), la prise des points hauts, l’encerclement et la coupure des lignes de communication adverses. La France développe son réseau de postes « non morts » (patrouilles, nomadisation, opérations), construit des pistes et des lignes téléphoniques. Les bureaux des affaires indigènes distribuent des vivres, des semences, des arbres fruitiers tout en augmentant le soutien médical des populations.  Celles-ci, même vaincues, sont respectées dans la reddition. Pour Huré, l’effet final recherché n’est plus la destruction de l’adversaire mais sa soumission et sa collaboration. Il affirme déjà que « l’action militaire est inséparable de l’action politique ».

La deuxième guerre mondiale, quant à elle, verra l’action forte des maquis et des unités irrégulières (souvent soutenues par les forces spéciales alliées) derrière les lignes allemandes ou japonaises. Ces forces paramilitaires demeureront des épées de Damoclès au-dessus de la tête des occupants que l’on pense à l’action des guérillas philippines entre 1941 et 1945, aux combattants russes sur le front de l’est ou aux maquisards français. D’ailleurs, le général Eisenhower confiera que les sabotages et autres actions de ces groupes de résistants aura eu l’effet de plusieurs divisions en 1944, à l’occasion du débarquement en Normandie. Néanmoins, ces combattants irréguliers, mal équipés ou privés de leur clandestinité (recherche du combat conventionnel) seront parfois mis à rude épreuve à l’instar de l’insurrection parisienne ou du maquis du Vercors.

Pourtant, l’insurrection deviendra une forme de guerre théorisée et mise en œuvre de manière systématique à partir de 1945 et ce, avec l’émergence des guerres de décolonisation.


A suivre…

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