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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mardi 5 février 2013

Petites guerres et contre-insurrection : perspectives historiques (2).


Nous continuons notre voyage dans l'histoire militaire sur les traces de la "petite guerre" et de la contre-insurrection.

2- Penseurs et praticiens de la petite guerre ou de la contre-insurrection.

La période antique

Dès l’Antiquité grecque, malgré le fait que, moralement, seul le combat conventionnel est approuvé ou honorable, des villes comme Sparte ou Thèbes (IVème et Vème siècle avant JC) doivent mener des guerres irrégulières faites d’actions de guérilla, de harcèlement, d’embuscades ou de raids « éclair » et ce, à partir de la mer, ou des zones montagneuses, pour fragiliser les lignes de communication ou le commerce de leurs adversaires. L'usage de ces stratagèmes est toléré dans la mseure où il finit toujours par une bataille rangée et où il respecte certaines règles (les Cités ne sont pas détruites, les sites religieux préservés). Certains peuples, réduits à l’esclavage comme les Hilotes, se rebellent contre leurs maîtres par des soulèvements massifs qui sont souvent réprimés dans le sang dès que les phalanges régulières sont engagées, en ville comme en rase campagne, pour briser la révolte.


Mais c’est surtout à l’époque romaine que la contre-insurrection prend tout son sens. Tout d’abord, avec César qui, au Ier siècle avant notre ère, inaugure cette forme de "petite guerre". Face aux insurgés gaulois, le général romain met en œuvre une stratégie et des tactiques adaptées à son ennemi. Comme le décrit et l’analyse parfaitement Napoléon III dans son ouvrage historique et militaire consacré à la Guerre des Gaules (1866), César use des divisions politiques entre tribus gauloises, qui comptent 82 civitates (nations), dans le but d’affaiblir les effectifs et l’influence de tels ou tels chefs (actions indirectes contemporaines). Ces derniers, comme les responsables religieux (druides), sont d’ailleurs ciblés et poursuivis dans des opérations qualifiées aujourd’hui  de « Kill or capture » à l’image d’Ambiorix pourchassé jusqu’en Germanie. Les Romains, afin de contrer l’insurrection des peuples maritimes (comme les Vénètes) s’emparent des oppida qui sont leurs sanctuaires et prennent des otages pour pacifier des régions entières. Néanmoins, ils connaissent également des difficultés tactiques en immobilisant 2 légions (8 000 hommes) pour protéger l’axe logistique des vallées du Rhône et de la Saône ou en perdant de nombreux soldats lors d’embuscades à l'instar de la défaite de Sabinus et de ses hommes dans le vallon de Lowaige. La protection des légionnaires derrière les palissades des camps est une nécessité pour durer mais limite parfois la mobilité des troupes qui perdent alors l’initiative.

César, qui doit composer avec l’opposition de certains sénateurs à Rome, apprend, sur le terrain, à ménager les peuples qui lui offrent leur concours (Orléanais, Bourguignons). Il gagne leur confiance et leur loyauté en préservant les institutions locales et en convoquant l’assemblée tribale régulièrement à Lutèce ou à Bibracte, donnant l'illusion aux notables qu'ils dirigent encore leurs peuples.

Mais c’est Frontin qui, près d’un siècle plus tard, formalisera sa propre expérience de contre-insurrection en Bretagne et en pays germain dans son œuvre « Re Militari ». Il met en avant des déploiements adaptés à la guérilla, l’usage plus important de la cavalerie et surtout un effort permanent de « romanisation » des populations pour pacifier les confins de l’empire. Plus tard, à partir de l'époque dite du Bas-Empire (193), face aux incursions barbares ou aux bagaudes (révoltes populaires), les empereurs romains doivent adapter leur réponse militaire sur les frontières. Pour ce faire, ils contrôlent les points de passage importants du Limès (ponts, cols, routes,…), regroupent les civils dans ce qu’on nomme aujourd’hui des « hameaux stratégiques » et finalement enrôlent des troupes auxiliaires locales. Celles-ci sont employées face aux insurgés ou irréguliers (Alamans par exemple) car elles mettent en oeuvre les mêmes techniques que ces groupes armés (infiltrations de nuit, raids punitifs, actions psychologiques par la terreur…). Les légions adoptent également des réponses tactiques et/ou opératives plus flexibles : de la marche à l’ennemi dissuasive proche de la démonstration de force à la campagne de dévastation, en passant par l’engagement ciblé ou les actions d’intoxication. Les troupes romaines modifient de même leurs modes d’action, n’hésitant plus, sous Valentinien, à attaquer les sanctuaires « barbares » en plein hiver et de nuit afin de surprendre l’adversaire.

Au IXème siècle, Byzance est, elle aussi, en proie aux invasions venues d’Asie ou à la nécessité de pacifier ses confins africains (face aux Maures). Un de ses généraux, Nicéphore Phocas, développe dans son œuvre majeure « De Velitatione » ses principes tactiques de contre-guérilla à base de mobilité et de harcèlement. On y trouve, dans le même registre, la surveillance des routes et des points hauts, l’embuscade, la contre embuscade, l’attaque des bagages et du territoire adverse, l’espionnage, le combat de nuit, les raids sur les camps (y compris nocturnes)… Dès lors, il apparaît que, dès l'Antiquité, les éléments militaires essentiels de la rébellion et de la contre-insurrection sont conceptualisés, appliqués voire enseignés.
 
L’époque médiévale.
 Alors que la guerre irrégulière est très peu présente dans les écrits chinois de Sun Tzu par exemple, le conflit entre Tang et Han en Chine entre le VIème et le Xème siècle voit l’avènement de la « guerre errante » et de son concept tactique de « youji jiangjun ». Il s'illustrera par le combat de plusieurs généraux sur les arrières des armées conventionnelles harcelées par des groupes mobiles et agressifs. En Europe, avec le Moyen-Âge la "petite guerre" est tantôt utilisée par les plus faibles comme les révoltes des Croquants en France ou celle de l’Ecossais William Wallace contre les armées royales mais aussi par les soldats de  métier face à un belligérant plus puissant et ce, afin de rétablir un rapport de forces défavorable. C’est le cas des « routiers » de Du Guesclin (1360) contraints d’éviter l’affrontement frontal avec les troupes anglaises en Brocéliande ou des nobles espagnols qui, pour réussir la Reconquista face aux armées mobiles musulmanes, créent la « Gineta »,  cet engagement de cavalerie légère pour surprendre et attaquer, dans la profondeur, les armées maures.

De l’autre côté de la Méditerranée, en Orient, la guerre asymétrique (dans ses modes d’action les plus extrêmes) voit ses premières ébauches avec les combattants d’Ibn Saba.

A suivre…

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