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dimanche 29 septembre 2013

Quand les Chinois et les Américains se battaient côte à côte...(2/2)

 
Nous poursuivons notre étude des opérations en Birmanie et en Asie du sud-est pendant la seconde guerre mondiale avec, en lumière, un focus sur les relations entre Américains et Chinois ainsi que sur le poids de la logistique dans la victoire militaire des Alliés face au Japon dans cette région.
 
Pendant que les forces du général Stilwell avancent sur Myitkynia, les troupes chinoises, aux ordres du maréchal Wei Li Haung, traversent le fleuve Salouen en venant de l’est pour chercher à faire jonction avec leurs alliés. Ils y parviennent à l’été 1944 aux abords de Tengchung. Néanmoins, les Japonais, dès l’automne 1943, prévoyant une offensive sur la Birmanie, avaient massées des unités afin de préparer une contre-attaque sur deux axes. Tout d’abord, ils tentent, sans succès de reprendre l’initiative à l’est pour couper la route « Lédo » puis ils font effort en direction de l’Inde avec un objectif opératif, celui de frapper les arrières et la logistique alliés. En effet, il s’agit de s’emparer de la base anglaise d’Imphale et ainsi d’interrompre le chemin de fer « Bengale-Assam » comme de réduire le pont aérien au-dessus de l’Himalaya, celui-là même qui apporte l’équipement nécessaire à Tchang Kai Cheik pour résister en territoire chinois.
 

 
En avril 1944, les Nippons mettent leur plan à exécution et réussissent à bousculer, dans un premier temps, les divisions hindoues d’Imphale avant d’être repoussés par des unités amenées, par avions, en renfort. Les forces britanniques, américaines et chinoises, soient entre 25 000 et 100 000 hommes selon le moment de l’action, peuvent ainsi poursuivre leur offensive vers le sud, en particulier le long de la côte du Bengale et ce, par le biais de l’unique cordon ombilical que constitue l’opération aéroportée logistique formidable conduite quotidiennement. Ce ravitaillement par air est assuré par des escadrilles alliées commandées par le général William D. Old, avec des avions C46 ou C47 qui décollent des bases installées dans la vallée du Bramapoutre et qui, après avoir franchis l’Himalaya, rejoignent les colonnes terrestres dans la forêt tropicale. Ces escadrilles effectueront 230 heures de vol en moyenne alors que l’usage normal se situait habituellement à 120 heures. Elles transportent du matériel mais aussi des hommes, en particulier lors de phases critiques des opérations, à l’image du transfert des 14ème et 50ème divisions chinoises. Celles-ci sont embarquées au Yunnan en Chine puis envoyées en Inde pour être rééquipées avant d’être aérotransportées sur le front en Birmanie. Cette manœuvre fut réalisée en moins de 8 jours grâce à la remarquable planification des moyens aériens.
Malgré des lignes de communication difficiles au milieu de la jungle et dans un climat de Mousson contraignant, les opérations continuent en Birmanie jusqu’à la libération de Rangoon en mai 1945 et la réduction de quelques poches de résistance japonaises. Le général Marshall, lui-même, chef d’état-major interarmées américain de l’époque, considère d’ailleurs que cette poussée tactique ne fut possible que grâce aux efforts des logisticiens : « les opérations en Asie avaient été réalisées à l’extrémité des lignes de communication les plus précaires de l’histoire. A Calcutta, des bataillons de port travaillaient sous une chaleur et une humidité insupportables, avec une main d’œuvre indigène affaiblie par la maladie, la chaleur et la famine. Malgré ce handicap, ils établirent des records dépassant ceux de n’importe quel autre port militaire du monde. »
Battu en Birmanie, le Japon conduit, au printemps 1945, des offensives violentes en Chine pour tenter de desserrer l’étau que représentent les bases aériennes américaines de bombardiers B29 qui conduisent des raids  meurtriers et destructeurs dans le Pacifique. Mais l’armée nationaliste chinoise arrête une fois de plus l’attaque nipponne grâce à quelques-unes des 35 divisions entraînées par les conseillers militaires américains du général Wedemeyer et équipées par les avions du général Stilwell. Ces unités sont d’ailleurs soutenues par 2 régiments de forces spéciales américaines qui apportent leur savoir-faire aux forces nouvellement mises sur pieds.
En conclusion, il est intéressant de constater l’efficacité tactique et logistique qui a uni les Chinois aux Alliés (et en particulier les Américains) afin de conduire des opérations difficiles dans un milieu aux fortes contraintes. Au-delà du « mentoring » assuré par les Etats-Unis, c’est bien le prodige logistique et son ampleur (surtout dans le  domaine aérien), qui a donné la victoire face au Japon dans cette région d’Asie du sud-est, alors même que l’effort allié était principalement tourné vers l’Europe. Enfin, la personnalité et le travail souvent méconnu d’officiers généraux américains mérite d’être évoqué car c’est un fondement de la pensée opérative qui a prévalu lors du second conflit mondial.
Aujourd’hui, cette dimension logistique est souvent maintenue dans l’ombre alors qu’elle constitue encore un des chemins du succès.
 
Frédéric Jordan
 
Source image : Wikipédia

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