Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

samedi 22 février 2014

Fiche de lecture : la biographie de Joukov (1/2).


Si, nombreux sont ceux qui connaissent le nom du maréchal JOUKOV, ses victoires et sa « longévité » militaire au plus près de Staline, il y a eu en fait assez peu d’études menées sur cette grande figure militaire de la seconde guerre mondiale. Des auteurs russes ou anglo-saxons ont déjà mis en avant certains traits de son caractère ou  sa maîtrise de l’art de la guerre mais de nombreuses polémiques sont nées des divergences observées entre ses mémoires, qui manquent bien souvent d’objectivité ou d’exactitude historique, et les récits de ses contemporains, en particulier ses adversaires au sein du commandement soviétique (Stavka). Aussi, pour la première fois en français, Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri nous proposent une étonnante et riche biographie de chef militaire qui fait partie des plus brillants de sa génération, un homme qui a sauvé l’URSS en 1941 et a fini par vaincre Hitler, ses généraux et sa formidable machine de combat jusqu’à la prise de Berlin. Nous verrons ainsi que si Joukov n’était pas destiné à une carrière des armes, il a su d’abord faire preuve d’opportunité puis d’une grande capacité de travail pour apprendre, assimiler, concevoir et, in fine, conduire l’armée Rouge à la victoire grâce, en particulier, à sa maîtrise de l’art opératif.


Sur les plus de 200 opérations menées par l’Armée Rouge en 4 années de guerre à l’échelle d’un ou plusieurs front (niveau opératif au regard de l’échelle espace/temps du front de l’est), Joukov a participé à près de 60 d’entre elles avec une énergie extraordinaire et ce, malgré une surveillance accrue du régime, une défiance voire un acharnement sur sa personne (menaces, humiliations,…). Il a de plus réussi à monter en puissance un outil militaire fragilisé par des années de purges et surtout une dictature du parti communiste empêchant la professionnalisation, l’initiative ou l’esprit de corps aux cadres qui cherchent à rompre avec les principes hérités de la guerre civile.
Joukov est issu d’un milieu très modeste et rural, son enfance est marquée par une mère rude et exigeante mais également par un niveau scolaire initial assez faible. Peu concerné par le conflit mondial à ses prémices, il finit par rejoindre en 1916 un régiment de cavalerie puis devient sous-officier. Il est blessé lors de ses premiers combats et ne participe pas à l’offensive Broussilov qui deviendra néanmoins pour lui une référence d’une opération réussie. Il lira d’ailleurs les conférences et les écrits concernant cet épisode offensif victorieux. Il en retient la nécessité d’une planification stricte, la nécessité de l’effet de surprise, l’importance des reconnaissances, du camouflage, des diversions comme les préparations d’artillerie courtes mais massives avec l’emploi de groupes de choc pour percer.
Quand la guerre civile débute, il apprend auprès des « maîtres » de l’art opératif comme Toukhatchevski qui mène des opérations contre-insurrectionnelles face aux bandes armées d’Antonov. Il fait l’expérience des immenses échelles que représentent les différents fronts et la nécessité, non pas de détruire l’adversaire mais de combattre dans la profondeur pour s’emparer de points clés pour briser le dispositif adverse. Joukov monte rapidement en grade et devient en 1923 commandant du 40ème régiment de la 7ème division de cavalerie où il estime lui-même : « Le commandement d’un régiment a toujours été considéré comme une des étapes essentielles dans l’acquisition de l’art militaire. Le régiment est l’unité de base, celle où la coopération de toutes les armes de l’armée de terre s’organise en vue du combat. Parfois même il faut coopérer avec d’autres armes que celles de l’armée de terre. Le commandant d’un régiment doit bien connaître ses unités mais aussi les moyens de renforcement qui sont habituellement mis à sa disposition. On lui demande de savoir choisir, au combat, l’axe d’effort principal, et d’y rassembler le gros de ses moyens. Le chef qui a bien assimilé les modalités de commandement d’un régiment sera un chef militaire de premier ordre à tous les échelons de commandements ultérieurs, en temps de paix comme en temps de guerre. »  A l’exemple de Frounzé, il prône une doctrine manœuvrière et offensive et cherche, malgré les difficultés de recrutement, les effectifs peu disciplinés, la pression politique et le manque d’équipements à faire progresser ses hommes et sa pensée avec une présence accrue sur le terrain et une volonté de fer. Pour sa part il lit de nombreux ouvrages d’histoire militaire et de tactique avant d’être admis fin 1929 à un cours avancé pour les commandants supérieurs (KUVNAS). Il y découvre l’opératique, lit « Le cerveau de l’armée » de Chapochnikov, les « Questions de stratégie moderne » de Toukhatchevski, le « Strateguia » de Svetchine et surtout le brillant « Nature des opérations des armées modernes »  de Triandifillov. C’est le combat dans la profondeur, la volonté de mécaniser l’outil militaire pour s’enfoncer dans le dispositif ennemi tout en envisageant l’emploi de troupes aéroportées. Affecté à l’état-major, Joukov apprend auprès des grands chefs de l’époque et participe alors à la modernisation des forces avec, notamment, la refonte de manuel d’emploi de la cavalerie, la mise sur pieds de régiments mécanisés et d’artillerie dans les divisions à côté des chevaux. Ses études sont à l’unisson des études d’armement qui donneront naissance quelques années plus tard à la fabrication des T34, des avions d’appui au sol Sturmoviks et des obusiers de 122mm (portée 14 km). En 1933, il devient commandant de division (la 4ème) et met en pratique sa pensée, y compris face à ses rivaux comme Isserson, parfait théoricien de l’art opératif mais piètre praticien. Il est remarqué par Boudienny et par les hautes autorités militaires au cours de grandes manœuvres où son action sur le terrain au plus près de l’action ainsi que son caractère colérique mais stimulant font des merveilles. Mais cet élan doctrinal et ce bond qualitatif connaît une éclipse lors des grandes terreurs de 1937-1938 où Staline fait exécuter de nombreux officiers. A suivre…

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