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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

lundi 3 novembre 2014

La première guerre mondiale au jour le jour : octobre 1914.

 
Comme chaque mois, nous revenons cent ans en arrière pour revivre le premier conflit mondial, le quotidien des soldats, les campagnes sur tous les fronts, les choix tactiques ou opératifs et ce, à travers les yeux du lieutenant-colonel Rousset, contemporain de l'époque et ancien professeur à l'Ecole supérieure de guerre au début du XXème siècle.
 
Octobre 1914 :
 
Notre témoin privilégié critique, dès le début du mois,  la tactique de Berlin qui cherche à s'acharner sur les ailes franco-britannique. L'objectif est d'y trouver une faille et le moyen d'envelopper l'adversaire (et ceci, fidèlement à la doctrine pratiquée par les officiers allemands depuis la fin du XIXème siècle).  Néanmoins, l'armée française semble parvenir à contenir la poussée allemande en Woëvre et en Meuse alors que, sur le front est, les Autrichiens se débandent en Galicie et les Allemands tentent d'endiguer le flot russe dans la région d'Augustowo.
 
Le lieutenant-colonel Rousset raille ainsi ses ennemis considérant qu'ils vont s'enfermer, à tort, dans un mode d'action défensif jugé, selon lui, inefficace :" L'expérience des batailles apprend, en effet, qu'on ne peut indéfiniment garder la défensive. Qu'une troupe y soit parfois condamnée par des circonstances momentanées, c'est un fait. Mais si elle ne se procure pas par des ressources extérieures - et celles des Allemands semblent épuisées - le moyen de revenir à l'activité et de passer à la contre-attaque générale, elle est perdue irrémédiablement". On perçoit dans cette affirmation tout le poids de la doctrine dite de l'offensive à outrance qui façonne la pensée militaire en France ainsi que l'idée, toujours répandue à cet instant, que la victoire sera aisée et rapide. D'ailleurs, notre témoin en prend pour preuve le "défaitisme"  ou le ton moins péremptoire des journaux allemands. La guerre psychologique, ou les opérations d'influence pour utiliser un terme moderne, débute déjà et prend de l'ampleur.
 
 
 
 
Pourtant, dès le 3 octobre, l'armée belge est contrainte au repli pour s'appuyer sur la forteresse d'Anvers soutenue par quelques éléments britanniques alors que les armées françaises subissent quelques revers en Picardie ou dans l'Aisne. Mais cet épisode n'est traduit comme une "alternative" ou des "revers partiels" tels qu'en connaissait Bonaparte en Italie (toujours cette référence napoléonienne). Malheureusement, la situation paraît rapidement plus complexe que décrite avec, notamment,  de difficiles manœuvres dans le Nord de la France (obstacles constitués par les bâtis et les corons), avec l'armée allemande bloquant les Russes en Prusse orientale ou menant de larges contre-attaques près de Arras, de Tourcoing et d'Armentières. De la même façon, les Allemands menacent la dernière ligne de communication belge à Anvers finalement conquise le 9-10 octobre et parviennent à débuter une campagne de bombardement aérienne sur Paris grâce à des avions "Taube". C'est le début des raids aériens stratégiques qui terrorisent la population sans avoir de réels effets sur le terrain. En outre, le narrateur souligne tristement que les ouvrages fortifiés français perdent de leur importance face à l'artillerie lourde du Kaiser qui, avec ses mortiers de 420mm, réduit en miettes les blindages, tourelles et bétons. Cette analyse est un euphémisme pour dissimuler la faiblesse des appuis feux français qui, s'ils sont efficaces pour ce qui touche l'artillerie de campagne (canon de 75mm), sont dérisoires pour les équipements plus puissants.
A la mi-octobre, les Allemands et les Autrichiens repassent à l'offensive face aux troupes du Tsar (Vistule, San, Przeysl). Dans la foulée, à l'ouest, c'est la course à la mer qui se traduit par des batailles successives, mais fugaces, sans grands résultats sur le champ de bataille (si ce n'est le niveau de pertes), de l'Aisne à Ypres en passant par la Lys.
La censure se fait de plus en plus contraignante provoquant un tarissement des nouvelles du front et une frustration de l'arrière qui, pour compenser ce flou informationnel, laisse circuler des "conjectures dangereusement erronées". Dès lors, en France, le combattant allemand est diabolisé, devenant un "sauvage" et un "barbare" qui n'hésite pas à bombarder la cathédrale de Reims.
Au alentours du 20 octobre, les deux camps se jettent éperdument dans des actions offensives près de la mer, en Flandres ou dans le nord de l'hexagone (Douai, Givency, Fromelles) et ce, afin de finir au plus vite un engagement qui a déjà coûté la vie à de nombreux soldats. Les Russes, quant à eux, surpris par la hardiesse des forces impériales reculent sur plus de 200 km vers Varsovie prétextant des conditions météorologiques rendant impraticables les plaines polonaises. Partout ailleurs, les unités s'enterrent dans des tranchées. A cet égard, les Allemands paraissent avoir mis en place des défenses évoluées avec des réseaux de fil de fer barbelés, des chausses trappes, des nids de mitrailleuses et une puissante artillerie lourde (le lieutenant-colonel Rousset juge alors, avec peu d'objectivité, ce choix tactique bien peu chevaleresque et à la hauteur des "hyènes" que seraient ses adversaires du moment). La fin du mois d'octobre se caractérise par un statu quo que ce soit dans les Flandres, près de l'Yser, en Woëvre ou plus largement en Lorraine. Seules les colonies font valoir des victoires aux Alliés, au Cameroun, au Congo et en Afrique du Sud (rebelles du colonel Maritz battus) où Berlin cède à chaque pression française ou anglaise.
Au final, notre commentateur  considère que l'ennemi, du fait de ses assauts furieux consommateurs en vies humaines, ne peut plus l'emporter et qu'il sera bientôt repoussé par une contre-offensive générale. Il ne veut, à aucun moment, céder au pessimisme et semble parfois flirter avec le ton euphorique de la propagande militaire. Néanmoins, la situation réelle n'est pas aussi désespérée pour le Kaiser qu'il le dit car Berlin prépare de nouveaux assauts terrestres même si, sur mer, ses navires sont coulés ou immobilisés par la marine britannique. La guerre de position se dessine lentement et s'inscrit, contre toute attente, dans la durée.

 

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