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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mercredi 15 juillet 2015

La première guerre mondiale au jour le jour : juin-juillet 1915.


 
Nous renouons avec notre témoin privilégié du premier conflit mondial, le lieutenant-colonel ROUSSET, ancien professeur de tactique à l'Ecole supérieure de guerre avant 1914.
Début juin, les forces italiennes paraissent progresser avec rapidité dans le Trentin alors que les Russes font effort pour reprendre l'initiative. L'auteur condamne, à juste titre, l'ordre du consul allemand à Caïffa en Syrie qui a fait profaner les tombes des soldats de Bonaparte. Il diabolise ainsi, une fois de plus, un ennemi déjà accusé d'utiliser les gaz asphyxiants en dépit de toutes les lois de la guerre ou qui bombarde la cathédrale de Reims (la propagande s'intensifie encore un peu plus). La traduction d’un carnet d’un officier allemand mort semble montrer un effondrement moral des soldats adverses d’un bataillon, déduction généralisée à toute l’armée allemande sans précaution aucune par notre observateur averti, les troupes françaises étant persuadé d’avoir une supériorité notable en la matière avec l’héritage d’Ardant du Picq. L'effet dévastateur de la doctrine de l'offensive à outrance du début du conflit se poursuit.

Dans les Dardanelles, une nouvelle attaque est lancée le 4 juin avec l’appui de toute l’artillerie disponible, y compris navale. Malgré l’optimisme du lieutenant-colonel ROUSSET, les Russes doivent évacuer Przemysl sous une avalanche de fer austro-allemande. Même si la retraite s’est faite en bon ordre, cet évènement tactique démontre que l’effort de l’Allemagne en matière industrielle  porte ses fruits avec une réelle supériorité dans l’artillerie.
La France fait le même constat en la personne de M. Dalbiez et de son projet de loi qui réclament une meilleure utilisation des ressources, humaines d’abord en réduisant le nombre « d’embusqués », ces « sursis d’appel » injustifiés (et en ramenant du front des hommes formés et experts) mais également techniques, en augmentant le nombre d’ateliers ou fabriques d'armement.
Partout, de Toutvent à Gallipoli en passant par l’Isonzo ou Neuville-St-Waast, les compte-rendu font état de pertes énormes (1000 à 3000 hommes) pour des assauts ne dépassant pas la semaine et ne se concluant que par quelques gains territoriaux dérisoires (un village, 150 à 400 m de profondeur).
Les Alliés découvrent, le 8 juin, que des troupes allemandes complètent les unités turques face à eux, immobilisant sur ce théâtre d’opérations la ligne de front.
Le 11 juin, au Cameroun, le corps franco-anglais du colonel Cunliffe s’empare de Garoua réduisant un peu plus encore la présence allemande en Afrique. Du 14 au 17 juin, une nouvelle offensive française est lancée dans les Vosges avec des résultats mitigés même si les récits officiels parlent de victoires décisives et d’attaques héroïques (comme sur la Fecht ou sur le Braunkopf). Dès le 18 juin, il apparaît évident que la poussée allemande face au Tsar se fait constante et ce, notamment grâce à une nouvelle masse de manœuvre engagée. Notre témoin admet timidement que toutes les évaluations sur l’épuisement de l’ennemi sont infondées et que les Russes ne doivent leur salut qu’à leur combativité. Ces derniers tiennent désespérément la ligne défensive de Lemberg mais pourraient rapidement rompre car ils ont perdu l’initiative, souffrent d’une grave pénurie de munitions et n’ont plus aucune liberté d’action opérative. En effet, en parallèle des attaques de Mackensen en Galicie, Hindenburg relance à sont tour le combat 300 km plus au nord pour fixer l’ours russe.
Dans le nord de la France, dans le labyrinthe d’Arras, les combats coûtent à l’armée française près de 2000 hommes en 3 jours. Dans les Dardanelles, le 21 juin, la redoute turque du Haricot est enfin enlevée par les Français, mais au prix de pertes terribles des deux côtés, puis le 1er juillet c’est le Quadrilatère qui tombe après une avancée de 1500 m des Britanniques.  Les écrits de notre officier mettent en avant la « guerre usinée », c’est-à-dire cette prise de conscience que le conflit prend une nouvelle dimension industrielle et qu’il se gagnera également dans les usines, dans les progrès scientifiques et techniques (l’académie des Sciences intègre d’ailleurs un groupe de travail avec les armées). La Grande-Bretagne comme la France veulent dépasser la production d’obus allemande, à savoir 250 000 projectiles par jour, mais ces deux pays manquent de matière première (il faut 8kg de fer pour un obus de 75mm alors que de nombreux centres économiques sont occupés).
Le 25 juin, les Russes qui ont dû évacuer Lemberg tentent d’établir un nouveau front mais n'y parviennent pas. A compter du mois de juillet, les opérations se réduisent, chaque camp tentant de reconstituer ses forces, même si des actions violentes localisées (comme au Bois des Prêtres) sont détaillées par le lieutenant-colonel Rousset. Même sur le front italien, la guerre de position s’installe à son tour alors que de nombreux espoirs avaient été fondés sur les qualités manœuvrières (en particulier en montagne) des troupes transalpines. Il n’y a qu’à l’est que les Russes poursuivent leur retraite effrénée entre la Vistule et la Bug amis aussi en Galicie. Enfin, le 9 juillet, le gouvernement britannique s’inquiète du nombre de plus en plus faible de volontaires et commence à envisager le service obligatoire face à une opinion publique qui n'y était pas préparée. La guerre s’annonce longue et meurtrière.

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