Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

dimanche 20 septembre 2015

La première guerre mondiale au jour le jour : septembre - octobre 1915.

 
Nous renouons avec le lieutenant-colonel Rousset, ancien professeur de tactique et commentateur averti du premier conflit mondial. En ce début d'automne 1915, l'optimisme de notre témoin, quoiqu'érodé, demeure présent. Le 05 septembre 1915, avec la guerre qui s'éternise, l'autorité civile est réinvestie des pouvoirs de police qu'elle exerce normalement en temps de paix. Cela montre un réinvestissement du politique dans la conduite de la guerre même si les armées gardent certains pouvoirs comme l'interdiction de publications de nature à "entretenir le désordre" ou le pouvoir de "faire les perquisitions de jour et de nuit dans le domicile des citoyens".


L'auteur relate ensuite l'impatience de Guillaume II vis-à-vis de ses généraux qui demande une réorientation des opérations pour planifier une action décisive. Le lieutenant-colonel Rousset ne sait pas encore que c'est l'offensive de Verdun en février 1916 qui est en gestation. Le 6 septembre, face à la retraite précipitée de ses soldats ponctuées de quelques contre-attaques localisées (Loutsk, Rowno,...)  sur la quasi totalité du front, le Tsar prend le commandement suprême des armées de Terre et de mer. Contrairement aux dires de notre témoin, ce geste n'est pas seulement un geste pour montrer sa confiance dans l'avenir mais il est surtout une initiative pour reprendre l'initiative sur ses généraux dépassés par les évènements.  Pour tenter d'endiguer l'avancée allemande, les Russes transforment leur pays en désert devant l'ennemi, rejouant la partition de la terre brûlée qui sont des sources de sidérations pour les troupes germaniques.
 
Le 8 septembre, un des as de l'aviation française qui, avant guerre en 1910, avait battu le record du vol avec passagers (Vicennes-Mourmelon) est tué au dessus de Sarrebruck. Au sud de la Russie, le général Ivanov remporte un succès inattendu sur les Austro-allemands faisant 17 000 prisonniers dont 382 officiers, 33 pièces d'artillerie et 66 mitrailleuses. L'artillerie russe semble progressivement  retrouver de la vigueur, notamment en améliorant son approvisionnement en munitions. En France, dans la région de l'Argonne, les assauts allemands s'accompagnent de tirs de gaz asphyxiants à une grande échelle. Du 10 au 15 septembre les joutes aériennes se poursuivent avec des bombardements réciproques sur Trèves, Lunéville, Compigne ou encore Metz et Bensdorf.
 
Au niveau stratégique, chacun s'accorde pour accepter enfin l'idée que la guerre sera longue, à tel point que les Anglais réfléchissent à la conscription, n'ayant vu que 3 millions d'enrôlement volontaires depuis le début des combats. Il faudra donc une capacité de production conséquente à l'instar de la déclaration de M. Asquith : "ce conflit est, en somme, une guerre de mécanique, d'organisation et d'endurance. La victoire penchera très certainement du côté qui sera le mieux armé et qui tiendra le plus longtemps." Ainsi, les Britanniques débarquent sur le continent 11 divisions supplémentaires.
 
Le 16 septembre, les Allemands surprennent tactiquement les Russes qui défendent Vilna en engageant sur les arrières de leurs adversaires 50 000 cavaliers appuyés par des batteries à cheval et des chasseurs embarqués dans des automobiles. Ce raid de cavalerie coupe les arrières des unités du Tsar et débute un nouvel enveloppement d'ampleur autour des lacs Moldziol, de Narotch et de Swir. C'est un mode d'action qui tranche avec la guerre de position et fait davantage penser aux "Kessel" de la seconde guerre mondiale. Les cosaques, dont c'est le grand retour sur le champ de bataille (avec un réservoir de 132 régiments à cheval, 60 bataillons à pied et 34 batteries commandés par des hertman nommés par le Tsar) contre attaque et permettent aux Russes d'évacuer Vilna en bon ordre.
 
A partir du 19 septembre, sur le front occidental, le duel d'artillerie se fait de plus en plus intense, chaque partie tentant de détruire les pièces les plus lourdes (obusiers de 220 mm par exemple) de son ennemi ou les nœuds de ravitaillement. La France paraît combler son retard en artillerie lourde même si cela ne semble pas suffisant encore. Notre témoin fait ensuite un aparté sur la solde des "Poilus" revu à la hausse (5 sous) afin de permettre à tous de s'offrir quelques plaisirs (tabac, ...) d'autant que nombre d'entre eux ne peuvent recevoir de mandats de leur famille. Ces dernières sont en effet soit en zone occupée soit trop pauvres pour envoyer des compléments financiers aux soldats du front. La condition militaire fait donc déjà l'objet de débat y compris parlementaires car c'est un député qui a permis de faire évoluer la situation. Le 21 septembre, 3 navires russes franchissent le passage du nord-est, dans le Grand Nord entre l'Asie et l'Europe, montrant que ce sujet d'actualité contemporain avait déjà en 1915 un intérêt stratégique. Parallèlement, les avions français mènent une attaque de 400 km pour bombarder Stuttgart, ce qui relève de l'exploit alors que l'aviation est encore dans ses balbutiements.
 
Le 25 septembre, l'armée bulgare mobilise (600 à 700 000 hommes potentiellement) et pourrait rejoindre l'Allemagne pour peser dans la guerre face à la Serbie avec, dans un premier temps 80 bataillons, 37 escadrons et 105 batteries (60 000 hommes d'active). En Champagne, en particulier vers la Main de Massiges, mais aussi en Artois, l'armée française lance une offensive d'envergure après que le général Joffre ait annoncé aux soldats : "derrière l'ouragan de fer et de feu déchaîné grâce au labeur des usines de France, vous irez à l'assaut tous ensemble; votre élan sera irrésistible, il vous portera d'un premier effort jusqu'aux batteries de l'adversaire". Mais dès le 26 septembre, l'avancée se fait plus lente et les troupes françaises buttent sur les résistances allemandes de Tahure, Souain ou Souchez. Le 28, le lieutenant-colonel Rousset fait part des combats de détails, des corps à corps et de la résistance du second échelon allemand. Cette offensive s'essouffle à son tour. Le 30, la France met en avant un bilan de plusieurs jours de combat avec 23 000 prisonniers et 79 canons allemands. En Artois, du côté de Vimy, les Britanniques prennent le relais mais aussi en Orient où le corps allié atteint Kut El Amara à 200 km de Bagdad. Dès le 2 octobre pourtant, la situation sur le front semble être revenue à la normale, il n'y a pas eu de percée décisive.

A suivre...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire