Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

Guerre sino-vietnamienne - 1979

Le conflit sino-vietnamien
17 février -16 mars 1979


Contexte :
A la fin des années 1970, la République Populaire de Chine (RPC) est prise d’un sentiment d’obsidionalité entre une URSS devenue hostile (conflits frontaliers et idéologiques) et un Vietnam réunifié depuis 1975 qui s’est allié avec les Soviétiques. Pékin veut donc « punir » Hanoi pour son infidélité d’autant que le Vietnam s’oppose au pouvoir des khmers rouges au Cambodge, pays devenu le « pré carré chinois » en Asie.
Aussi, l’attaque de la RPC a pour objectif de soulager Phnom Penh de la pression vietnamienne menée par un corps expéditionnaire de 150 000 hommes déployés depuis 1978 en territoire cambodgien. De plus les Chinois cherchent à saigner à blanc l’armée vietnamienne dans un combat violent.

Forces en présence :

APL (armée populaire de libération chinoise) :
Elle dispose de 25 divisions soient 450 000 hommes, appuyés par des blindés (400 chars type T59) et une importante artillerie. Elle dispose également du soutien (théorique) de l’aviation. Ces unités viennent de toute la Chine et ont un niveau d’entraînement et des procédures très différentes les unes des autres.

APV (armée populaire du Vietnam) :
La frontière du nord est tenue par une quinzaine de régiments soient 50 000 hommes et des milices locales. Elle a le même niveau technologique que son adversaire mais dispose d’une puissance de feu 50% plus faible que celle des Chinois.

Situation et dispositif sur le terrain :
Déroulement de la bataille :

Phase préparatoire :

APL :
Cette dernière, sûre d’elle, mène une planification des opérations superficielle car elle ne connaît pas la doctrine vietnamienne, dispose de peu de renseignements sur son adversaire (ancien allié et peu de capteurs disponibles) ou sur le terrain et enfin sous-estime la combativité du soldat vietnamien. Elle estime qu’un tel déploiement de forces suffira à percer les défenses du Vietnam et à ouvrir la route d’Hanoi en conquérant au passage, rapidement, les chefs lieu des provinces du nord du pays (Lang Son, Cao Bang, Hang Lien Sen, Lai Chou, Quang Ninh).

APV :
Consciente de sa faiblesse numérique, l’armée vietnamienne construit une ligne de fortification enterrée dans la profondeur (20 000 postes de combats et 60 kilomètres de tranchées pour le secteur de Lang Son), mobilise la population et les milices locales tout en valorisant le terrain (champs de mines, obstacles, pièges, …).

Phase 1 : La percée : la bataille des cols.


Le 17 février 1979, l’APL lance son attaque en utilisant la technique dite de « l’attaque divergente » qui a pour objectif de masquer les 4 axes d’effort (routes nationales 1 et 4, Lao Cai, Cao Bang) par un nombre important d’actions offensives sur un large front (26 attaques simultanées). Au lieu d’utiliser la tactique de l’infiltration et de l’enveloppement mise en œuvre en Corée, le général chinois Yang Tei Chi lancent des offensives frontales appuyées par des chars et des barrages d’artillerie (exemple de la région de Lang Son). Ce choix s’avère rapidement être un échec face aux lignes défensives vietnamiennes, aux armes anti-char et aux raids « éclair » de l’APV sur les arrières chinoises (notamment contre l’artillerie). L’APL subit de lourdes pertes dans des combats très durs et met entre 5 à 7 jours pour percer.

Phase 2 : La saisie des objectifs intermédiaires.

Les Chinois reviennent alors très vite à leur tactique habituelle de vagues humaines infiltrées ou de manœuvres enveloppantes et ce, après une pause opérationnelle imposée par une logistique défaillante. Après l’assaut initial de 17 divisions viennent donc l’attaque de 8 divisions fraîches qui permet d’avancer de 15 à 20 km dans la profondeur. Le résultat est là mais les pertes sont encore une fois très importantes. L’APV, quant à elle, se replie en bon ordre et harcèle les lignes de communication chinoises par des actions de guérilla. Frustr2s par l’opiniâtreté des Vietnamiens, l’APL commet des exactions sur les civils (village de Ton Chup) et fusillent les prisonniers de l’APV ou des milices locales.

Phase 3 : La conquête des capitales provinciales et des axes de communication.
L’APL relance son action en progressant de 30 à 40 km vers les centres urbains et les nœuds routiers majeurs. Elle cherche à infliger de lourdes pertes à l’APV par des opérations « meat-grinder » faites d’offensives violentes, de contre-attaques successives. Fin février, les Viétnamiens n’ont toujours pas engagé leurs meilleures divisions restées en défense des approches d’Hanoi ni leur réserve (la 308ème division d’élite). En outre ils déploient le régiment « des tigres volants » à Dong Dang pour renforcer leur dispositif autour de cette ville. En effet, l’APV, pour ne pas prendre le choc des attaques chinoises sur les villes, s’est retirée sur les collines autour des zones urbaines pour constituer des points d’appui et créer des « sacs à feux » contre les unités adverses. C’est un pari payant car Pekin capture les cités visées le 05 mars, mais les divisions de l’APL connâissent, une fois de plus, une forte attrition. Le gouvernement chinois, pour sauver la face, annonce alors officiellement sa victoire (à la Pyrrhus) mais a commencé son retrait du Vietnam dès le 2 mars et le poursuit jusqu’au 16 mars 1979 avec une politique de la terre brulée (destruction des cultures, des lignes de chemin de fer, des infrastructures,…). De son côté, l’APV considère qu’elle a tenu tête à l’armée chinoise d’autant qu’elle n’a pas été contrainte de rappeler des forces déployées au Cambodge pour renforcer son dispositif au nord.

Bilan :
L’APL perd entre 21 000 et 60 000 tués ou blessés et plusieurs centaines de blindés. Ce sont surtout les cadres qui sont les victimes de ces combats à l’instar de la 42ème armée chinoise de Ghang Zhou qui doit remplacer 82% des officiers et sous-officiers après 15 jours de combat.

Les Vietnamiens perdent, quant à eux, entre 20 000 et  30 000 combattants.

Enseignements :

-     La planification chinoise pêche par une mauvaise appréciation de la situation et par une sous-évaluation de l’APV, de ses capacités, de sa doctrine et de son moral. L’APL perd donc l’initiative dès le début de l’offensive en étant surprise par la maneouvre défensive vietnamienne.
-     Une mauvaise étude du terrain et des reconnaissances insuffisantes vont handicaper la progression des unités chinoises dès la percée sur la frontière (cartes pas à jour, dispositif vietnamien non connu).
-     La mauvaise maîtrise du combat interarmes par l’APL ainsi que le manque de coordination entre les unités (pas d’entraînement en commun, doctrines caduques) vont conduire à des tactiques inefficaces et donc à des pertes très importantes.
-     L’artillerie n’est utilisée que de manière massive et archaïque (barrages) sans observations préalables et le couple char-fantassins est inefficace dans des attaques frontales.
-     La culture chinoise décentralisée du « command and control » ne permet pas une standardisation des procédures et freine le commandement dans la conduite d’unités venues de provinces militaires chinoises culturellement différentes.
-     Le système de communication des forces chinoises est inefficace ou dépassé (commandement aux fanions) et souffre du brouillage électronique mis en place par des conseillers militaires soviétiques auprès de l’APV.
-     Enfin, habituée à un soutien de type « guerre révolutionnaire » auto-suffisant (soutien des habitants), les Chinois peinent à mettre en place une logistique opérationnelle efficace pour un conflit de haute intensité (700 tonnes quotidiennes pour chaque catégories d’approvisionnement) et à sécuriser leurs lignes de communication (pas d’unités de transport et de circulation routière).
-     Les Vietnamiens bénéficient eux de la connaissance du terrain et ont le temps de valoriser une ligne défensive enterrée et solide. L’apport des milices pour soutenir les forces régulières dans le harcèlement de l’APL est inestimable ainsi que la force morale des unités.
-     De même, face aux actions puissantes des Chinois, l’APV réussit des manœuvres d’esquive pour réaliser, au mieux, l’économie des moyens dont elle dispose et préparer des lignes de défense successives.
-     L’APV échange du terrain contre du temps, affaiblissant les divisions chinoises et les dissuadant de continuer plus avant dans l’offensive. Enfin, l’APV décide de concentrer ses efforts autour des villes et non pas à l’intérieur et ce, avec des points d’appui pour menacer les unités ennemies sur plusieurs axes. Elle n’engage pas ses réserves alors que les troupes chinoises sont affaiblies et épuisées à compter du 5 mars.