Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

Koursk - 1943

La bataille de Koursk
Juillet-août 1943

Contexte :
Au cours de l'hiver 1942, les forces soviétiques triomphent à Stalingrad en encerclant la 6ème armée allemande (près de 350 000 hommes) du maréchal Paulus mettant un coup d’arrêt aux offensives d’HITLER vers le Caucase et réduisant considérablement son potentiel de combat. HITLER craint une opération à l’ouest et veut stabiliser son front face aux Soviétiques. De plus, pendant l’hiver 1943, le maréchal MANSTEIN a remporté brillamment la troisième bataille de Kharkov, stabilisant la ligne de front de Léningrad au nord à Rostov au sud. Au milieu, se trouve un saillant de 200 kilomètres de largeur et de 150 kilomètres de profondeur entre la position avancée allemande d'Orel au nord et Kharkov : c’est le saillant de Koursk.
MANSTEIN veut lancer une nouvelle offensive sur le même modèle que celle de Kharkov, quand il avait encerclé l'offensive soviétique trop avancée. Il suggéra de tromper les soviétiques  en les attirant dans le bassin du Donetz. Il encerclerait par le sud les Soviétiques et en particulier la totalité de l'aile sud de l'armée rouge acculée contre la mer d'Azov.
L'OKW (le quartier général allemand) n'accepte pas ce plan, et souhaite une action de tenaille directe sur le saillant de Koursk avec trois armées.

Forces en présence :

Belligérants
Commandants
Forces en présence
1 300 000 soldats
10 000 blindés
20 000 canons
2 400 avions
900 000 soldats
2 700 chars
10 000 canons
2 000 avions


Situation et dispositif sur le terrain :

Déroulement de la bataille :

Phase préparatoire :
Contrairement aux opérations précédentes, HITLER donne au quartier général un contrôle considérable sur la planification de la bataille. De plus, il cherche à augmenter qualitativement mais surtout quantitativement les unités de ce théâtre d’opération, retirant à la totalité des autres fronts ce qui pouvait être utile à l’attaque prévue. Le déclenchement fut d'abord prévu pour le 4 mai, puis retardé jusqu'au 12 juin et finalement lancé le 4 juillet 1943 pour permettre la livraison de nouvelles armes, en particulier les nouveaux chars Panther.
L'armée rouge avait aussi planifié ses propres offensives estivales, et avait choisi un plan qui était le miroir de celui des Allemands. Les attaques frontales d'Orel et de Kharkov devaient écraser la ligne de front, et potentiellement conduire à une percée près des marais de Pripyat.
Une attaque des Allemands sur Koursk semblait trop évidente pour que la Wehrmacht la mène réellement. Pourtant,  les Soviétiques sont rapidement informés des plans allemands par un réseau d'espions en Suisse. STALINE et une poignée d'officiers de la Stavka (quartier général soviétique) souhaitent frapper les premiers. Cependant le conseil presque unanime de la Stavka, en particulier JOUKOV, est d’avis d'attendre d'abord que les Allemands s'épuisent eux-mêmes dans leur attaque. Son opinion emporta la discussion.
Le retard allemand pour lancer l’offensive donne ainsi aux Soviétiques quatre mois pour faire du saillant l'un des endroits les mieux renforcés du front. L'armée rouge installe ainsi et rapidement autour du saillant plus de 400 000 mines et creuse environ
5 000 kilomètres de tranchées, sur un dispositif de 175 kilomètres de profondeur. De plus, ils regroupent une énorme armée, incluant 1 300 000 hommes, 3 600 tanks, 20 000 pièces d'artillerie et 2 400 avions. Les Allemands, quant à eux sont conscients et observent l’ampleur des défenses soviétiques mais décident de ne pas modifier leurs objectifs. Les Allemands mettent en ligne 200 de leur nouveau char Panther, 90 Elefant (chasseur de chars), tous leurs Henschel Hs 129 (avion d'attaque au sol), les Tigre I et un modèle récent de Panzer IV. Au total ils engagent 2 700 chars et canons d'assaut, 1 800 avions et 900 000 hommes.

Phase 1 : le choc initiale
L’attaque commence dans l'après-midi du 5 juillet avec des raids de Stukas qui attaquent les lignes soviétiques sur 3 km de profondeur (Battlefield air interdiction) pendant que l'artillerie initie un tir de barrage. Le fer de lance blindé de HOTH, le IIIe corps Panzer progresse alors vers les positions soviétiques autour de Savidovka. Dans le même temps, le régiment de panzer grenadier Großdeutschland attaque Butovo sous une pluie torrentielle pendant que les hauteurs sont prises par la XIe division Panzer. À l'ouest, la IIIe division Panzer, qui rencontre une forte résistance soviétique, n’atteint ses objectifs qu’à minuit.
Dans le sud, le IIe SS Panzer Korps lance ses attaques préliminaires pour sécuriser les postes d'observation sur les seules hauteurs dominant le saillant de Koursk mais rencontre une résistance déterminée jusqu'à ce que des troupes d'assaut, équipées de lance-flammes, nettoient les bunkers et les avant postes russes. À 22h30 les Soviétiques répliquent par un bombardement d'artillerie qui, à la faveur des fortes pluies, ralentit l'avance allemande.
Mais l’épicentre de la bataille débute le lendemain. En effet, les Soviétiques, remis de la surprise initiale, mettent en œuvre des tirs d’artillerie au moment du débouché des troupes allemandes. Cette action est complétée par une attaque massive par l’aviation soviétique sur les bases de la Luftwaffe dans la zone d’opération et ce, afin d'éliminer le support aérien local dès les premières heures de la bataille. Ces actions furent probablement les plus grands combats aériens de l'Histoire. La Luftwaffe, malgré sa défense héroique se voit alors contester la maîtrise du ciel. La Wehrmacht a perdu l’initiative.

Phase 2 : l’enlisement
Très vite, la IXe armée Panzer dans le nord se trouve presque incapable de bouger. Dans les premières minutes de l'offensive elle  s’arrête en effet dans un immense champ de mines défensif et doit attendre de longues heures le soutien de sapeurs pour se dégager sous le feu incessant de l'artillerie russe. L'armée de MODEL avait bien moins de chars que MANSTEIN dans le sud et il mène, de surcroît, une tactique différente et peu efficace, utilisant ses unités alternativement pour les garder en réserve plutôt que concentrées pour obtenir la percée.
Après une semaine, les Allemands n’ont progressé que de 10km et, le 12 juillet, les Soviétiques lancent leur aile nord contre la IIe armée à Orel. Le rapport entre les pertes allemandes et celles de l'armée rouge est alors de 3 pour 5 mais cela ne suffit plus pour contrebalancer les masses russes.
Dans le sud les choses semblent initialement aller mieux pour les Allemands. Les blindés ouvrent une brèche et, le 6 juillet, ils ont conquis 30 km jusqu’à la petite ville de Prokhorovka. Néanmoins, avec l’échec de la « pince » nord de l’attaque allemande, cet effort n’est pas décisif. D’autant que l'armée rouge  déploie en défense les troupes initialement planifiées pour n'être utilisées que dans la contre offensive soviétique, renversant ainsi le rapport de force. De plus, le flanc allemand n'est plus protégé car les divisions de KEMPF sont immobilisées, après avoir traversé la rivière Donets, par la 7e armée de la garde soviétique et par la météo. La 5e armée de chars de la garde russe, située à l'est de Prokhorovka engage, de son côté, violemment le IIe SS Panzer Korps et l’arrête après d’âpres combats de chars. C’est le plus grand engagement blindé de la guerre même si le « mythe », diffusé par les propagandes respectives évoquant des milliers de chars se faisant, est loin de la réalité des faits. En effet, ce combat a probablement vu s’affronter seulement 500 chars soviétiques dont 350 T34 et  quelques 117 panzers.

Phase 3 : la contre-attaque soviétique
Le 11 juillet, alors que se déroule le débarquement allié en Sicile, HITLER ordonne à Von KLUGE et MANSTEIN d’arrêter l’offensive. Quelques unités allemandes sont alors immédiatement envoyées en Italie et les soviétiques lancent leurs plans de contre-attaque dès le 15 juillet sur Orel. Les Allemands sont contraints de se replier sur la ligne Hagen partiellement préparée à la base du saillant. C’est la première victoire russe lors d’une offensive estivale. Dans le sud, les Soviétiques sont plus lents à se regrouper et n’ataquent que le 4 août. Soutenus par des attaques de diversion plus au sud ils reprennent Belgorod aux troupes de MANSTEIN et atteignent Kharkov le 11. Le 20, toutes les forces allemandes, épuisées, se replient et constatent l’échec de cette offensive d’été. La Wehrmacht perd à Koursk l’initiative sur le théâtre d’opération russe ainsi que ses dernières réserves opératives, d’autant que Berlin doit maintenant renforcer le front occidental.

Bilan :

Pertes
URSS
863 303 pertes  dont 254 470 morts
6064 chars
1626 avions
ALLEMAGNE
252 000 tués et blessés
700 avions
1000 chars définitivement détruits


Enseignements :

-          L’OKW décide de ne pas suivre la doctrine de défense élastique de MANSTEIN qui a remporté des succès à Kharkov considérant que le terrain n’est pas favorable à une défense mobile mais planifie mal les objectifs d’une offensive limitée.
-          Le facteur climatique n’est pas pris en compte alors qu’il aura un effet sur les mouvements et le moral des troupes.
-          La Wehrmacht perd l’initiative et sa liberté d’action en attaquant en premier et en prenant pour objectif le point fort soviétique qui peut ainsi réagir avec anticipation.
-          Les efforts de guerre psychologique (opération Silberstreif) avec près d’un milliard de tracts largués sur les Soviétiques et l’appui de déserteurs russes a été inefficace (moins de 10 000 combattants retournés).
-          Le renseignement notamment électromagnétique allemand surclasse les moyens de STALINE mais les informations acquises ne sont pas exploitées ou font l’objet de rapports faux (force soviétique sous-estimée).
-          De leur côté, les Russes accumulent le renseignement avec 600 sorties d’avions de reconnaissance et près de 2500 raids de forces spéciales.
-          La Wehrmacht réalise une mauvaise économie des moyens et déséquilibre les deux armées chargées de l’attaque. Ainsi, au nord, les divisions sont faiblement équipées en chars (moins de 250) et n’a pas la priorité de l’appui aérien.
-          Le temps consenti pour permettre l’arrivée de nouveaux équipement et singulièrement des chars permet aux Soviétiques de se fortifier, de renforcer les défenses et d’accumuler des réserves.
-          Les Soviétiques maîtrisent l’art de la « Maskirovka », c'est-à-dire les capacités de dissimulation et de déception (chars en bois, faux PC). Ainsi, deux armées de chars sont passées inaperçues (1000 blindés et 9000 véhicules) pendant deux mois, sauvegardant la surprise de la contre attaque russe au nord, alors qu’au sud, une fausse activité a amené les Allemands à concentrer leur panzers.
-          Compte tenus de son état technique et des avions nécessaires pour protéger l’Allemagne, la Luftwaffe dispose de moyens efficaces mais ne pourra pas maintenir son effort très longtemps. L’offensive doit être rapide sous peine de perdre l’avantage de l’appui air-sol.
-          Malgré son échec, l’armée allemande a fait montre d’une remarquable maîtrise de la manœuvre logistique pour les ravitaillements comme pour le dépannage des engins sous le feu (sur 4 chars touchés, deux sont remis en état dans les 4 jours).
-          Les Allemands comptent uniquement sur la force blindée au détriment des divisions d’infanterie qui auraient pu assurer la sureté des panzers et conquérir les lignes fortifiées soviétiques.
-          Les inimitiés des chefs de la Wehrmacht ne contribuent pas à une bonne coordination de la manœuvre, chacun voulant mener son action indépendamment de son rival.