Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

La campagne de Sicile (opération Husky) - 09 juin -17 août 1943

La campagne de Sicile 09 juin – 17 août 1943.

Contexte :
Le 13 mai 1943, la campagne de Tunisie est terminée, les Alliés sont maîtres de l’Afrique du Nord et peuvent donc envisager de nouvelles opérations : leur objectif premier est à présent la Sicile. Ce choix se justifie principalement par deux arguments : la réussite de l’opération donnerait le contrôle stratégique aux Alliés de la voie maritime est-ouest en Méditerranée, de même, prendre pied en Sicile menace directement les forces de l'Axe et les oblige à détourner une partie non négligeable de leurs troupes au détriment du front de l’Est et ce, pour soulager la pression sur l’Armée rouge.

Forces en présence :
Alliés : 160 000 hommes, 600 chars, 1800 canons ;
Axe : 365 000 Italiens, 40 000 Allemands.

Déroulement de la bataille :

Temps 1 L’assaut aéroporté
Durant la nuit du 9 au 10 juillet 1943, par un temps tempétueux, alors que les transports jetaient l'ancre à 13km des côtes, 130 avions anglo-américains quittèrent la Tunisie, chacun tractant derrière lui un planeur, et transportant au total 1500 paras britanniques destinés à s'assurer le contrôle du viaduc de Ponte Grande situé entre les plages de débarquement britanniques et les positions de l'Axe dans la région de Syracuse. 230 autres avions U.S., transportant 3400 paras américains, furent dirigés vers le secteur de Gela, au nord des plages de débarquement prévues pour les forces U.S. Le mauvais temps et l'inexpérience des pilotes firent que 54 planeurs atteignirent la Sicile. Les autres s'écrasèrent en mer. Dès les premières opérations offensives, les Allemands mirent leurs troupes en état d'alerte. Les Italiens, estimant le temps trop mauvais, ne prirent pas de précautions particulières. Kesselring hésita entre 2 options : garder ses troupes groupées à l'intérieur du pays avant de réagir sur une zone bien établie, ou disséminer ses troupes sur les plages afin de tenter une contre-attaque limitée mais immédiate.  Il opta finalement pour la seconde solution.
Temps 2 Le débarquement et les contre attaques
Dans l'ensemble, les Alliés débarquèrent sans rencontrer de résistance. Inexpérimentés et gênés par la tempête, les US débarquèrent dans des secteurs parfois imprévus ou disséminés.  Heureusement, la faible valeur militaire des divisions côtières italiennes évita un véritable massacre dans le camp US Les Britanniques attaquèrent dans le secteur de Pachino et s'emparèrent rapidement de leurs objectifs, entrant dans Syracuse à la tombée de la nuit. Pour leur part, les Américains saisirent des aérodromes voisins du secteur de Gela.  La division italienne Livorno lança une contre-attaque inefficace dans la région. Le 10 juillet vers midi, la division blindée Hermann Goering, autrement plus combattive, attaqua la zone de débarquement US et, contournant plusieurs points d'appui, fut sur le point de rejeter les Américains à la mer.  Finalement, la contre-attaque échoua pour diverses raisons : un manque d'expérience d'une partie des effectifs allemands, un bon nombre de chars en mauvais état, la présence d'oliveraies en terrasses empêchant une bonne progression des blindés. Au centre toutefois, disposant d'effectifs limités, Patton dut engager des renforts envoyés par avion à  partir de la Tunisie.  Le 11 juillet, appuyée par la division Livorno, la division Hermann Goering revint à l'assaut. Les Italiens furent presque immédiatement repoussés par le feu de l'artillerie navale. L'assaut allemand, mené de 6H00 à midi fut très sérieux et ne put être contenu qu'à 1800m du littoral.  Finalement, les Allemands, ayant perdu 16 blindés, durent renoncer.

Temps 3Freinage allemand
Occupant Syracuse, les Britanniques progressèrent vers Catane.  En route, de violents combats se déroulèrent autour du pont de Primosole.  Utilisant efficacement le terrain, les Allemands bloquèrent les Britanniques devant la ville. Libéré de l'essentiel de la pression allemande, Patton passa à l'assaut le 19 juillet.  Le 22, il s'empara de Palerme. Les armées alliées convergèrent ensuite vers Messine, les Américains par l'intérieur de l'île, les Britanniques par la côte. Catane tomba le 5 août et les Américains entrèrent dans Messine le 17. Ayant résisté farouchement pendant un mois, les Allemands réussirent à évacuer l'essentiel de leurs forces vers l'Italie continentale. Pour les Alliés, la conquête de la Sicile s'avéra être une difficile transition entre la campagne d’Afrique du Nord et celle d'Europe.

Bilan :
Pour les Allemands, le combat retardateur s'acheva sans trop de dégâts, soit 37.000 hommes perdus, l'essentiel de leurs troupes et du matériel étant évacués entre le 11 et le 17 août (soit près de 60000 combattants sauvés). Les Italiens perdirent, quant à eux, en Sicile, 130000 combattants, généralement faits prisonniers. Les Alliés eurent pour leur part 23934 tués ou blessés.

Enseignements tactiques et doctrinaux :
-L’absence de "rehearsal" (répétition de la manoeuvre)  et d’entraînements suffisants va compromettre une partie de l’opération aéroportée alliée.
-Le choix du mode d'action allemand de disséminer ses troupes sans prévoir une force de contre attaque suffisante va à l’encontre du principe de concentration des efforts et le prive de sa liberté d’action.
-Patton devra demander des renforts car la génération de force conduite par l’état-major d’Eisenhower a sous-estimé les difficultés du terrain et la résistance allemande.
-Pour la contre-attaque de la division Hermann Goering, une mauvaise étude   terrain empêche le déploiement optimal des unités blindées.
-Les Alliés auraient pu perdre l’initiative face aux actions blindées adverses car ils manquaient de moyens antichars.
-En revanche, les Allemands conduisent une remarquable manœuvre de retardement afin d’échanger du terrain contre du temps pour évacuer leurs moyens vers l’Italie.
-La progression alliée sur deux axes impose aux troupes de l’Axe de diviser leurs faibles moyens.