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La bataille de Guadalcanal - 7 août 1942 - 9 février 1943.

La bataille de Guadalcanal - 7 août 1942 -9 février 1943

Contexte :

Après avoir repris l’initiative lors de la bataille aéronavale de Midway où l’amiral japonais Yamamoto perd l’essentiel de sa flotte (soit 60 navires dont 5 porte-avions), les Américains ne sont pas encore prêts pour commencer la reconquête des îles du Pacifique. Néanmoins, au début du mois de juillet 1942, les Etats-Unis découvrent que l’armée nipponne a entrepris la construction d'un aérodrome sur l'une des îles de l'archipel des Salomons.  Guadalcanal, longue de 145 kilomètres pour 40 de large sera la première confrontation aéroterrestre entre les deux belligérants depuis la perte par les Américains des Philippines.
Bien qu'inhospitalière et couverte de montagnes, forêts et marais, cette île revêt un caractère stratégique car située dans la partie sud de l'archipel.  En contrôlant Guadalcanal, les Japonais menacent les voies de communication entre les Etats-Unis, d'une part, et l'Australie et la Nouvelle-Zélande, d'autre part.

Forces en présence :
Etats-Unis : La première division de Marines du général Vandegrift forte de 19 000 hommes (renforcé à partir d’octobre par des régiments de l’US Army) appuyée par un groupe aéronaval aux ordres du vice-amiral Fletcher et une flotte amphibie aux ordres du contre-amiral Turner. L’ensemble aux ordres du vice-amiral Ghormley puis l’amiral Halsey.
Japon : Deux divisions d’infanterie et deux brigades de choc du général Hyakudaté appuyées par des unités navales.

Déroulement de la bataille :
Phase 1 :
Le 7 août 1942, après trois heures de bombardement naval, 13.000 Marines débarquèrent sur la côte Nord de Guadalcanal, à proximité de l'embouchure de la rivière Lunga.  6.000 autres débarquèrent sur quelques petites îles voisines afin d'en assurer le contrôle.
Le contre-amiral Fletcher, en charge de l'aspect naval de l'opération, craignant pour ses trois porte-avions, vulnérables à des attaques japonaises, décida qu’il n’appuierait le débarquement que pendant deux jours au lieu des quatre nécessaires pour décharger l’équipement et la logistique.  Dans les faits, il ne resta que 60 heures sur place, précipitant le débarquement. Ainsi, les Américains ne disposaient que de 6 semaines de vivres et 4 jours de munitions pour l’opération.
Le débarquement s'effectua sans résistance mais, rapidement, les Japonais se remirent de leur surprise et entreprirent de bombarder les navires de débarquement et la tête de pont US.
Cela n'empêcha pas les Marines de progresser vers le Sud et de s'emparer de l'aérodrome en 36 heures.
La situation US n'était toutefois guère encourageante car, dès le 8 août, les porte-avions de Fletcher avaient été contraints de se retirer du théâtre d'opération.
Dans le même temps, 8 navires japonais, commandés par le vice-amiral Mikawa, furent détectés en provenance de Rabaul et à destination de Guadalcanal. Mais les services US de renseignements considérèrent qu’il ne s’agissait que de bâtiments de soutien. En réalité, cette flotte se constituait de 8 bâtiments lourds dont des croiseurs qui attaquèrent de nuit et par surprise les bateaux américains croisant dans la baie entre les îles de Guadalcanal et de Florida. Ce raid éclair permit aux Japonais de couler 4 croiseurs alliés et d’endommager trois autres unités dans ce qui allait devenir la tristement nommée « baie au fond de ferraille ». Dès lors, le 9 août, privés de protection, les navires de transport alliés se retirèrent avec 3.000 Marines qui n'avaient pu être débarqués, la moitié des vivres, la plupart des munitions et toute l'artillerie lourde.


Phase 2 : Les troupes américaines renforcent néanmoins rapidement leur dispositif en pré positionnant sur l’aérodrome Henderson 19 chasseurs et 12 bombardiers en piqué. Les Japonais, persuadés que le dispositif US est faible décident l’envoi d’une force d’élite de 1000 hommes commandé par le colonel Ichiki pour renforcer la résistance nipponne de la garnison. Cette force débarque à Taivu sans aucun appui aérien ou naval avant d’être anéantie par les Marines le 18 août. Après cette première confrontation commence une lente campagne aéronavale des deux côtés pour permettre l’acheminement de quelques renforts et du ravitaillement. Pour le Japon, l’objectif est d’assurer le passage des convois de navires appelés « Tokyo Express » tout en harcelant les Marines par de rapides raids aériens (les bases japonaises étant éloignées, leurs avions ne peuvent rester plus de quelques minutes sur Guadalcanal). Néanmoins, fin août, protégé par la flotte de l’amiral Yamamoto, le général japonais parvient à débarquer 6000 hommes et attaque le dispositif américain par le sud avec 3000 soldats à partir des crêtes qui dominent l’aérodrome d’Henderson. C’est la bataille de la « crête sanglante » où les 700  Marines du colonel Edson repoussèrent les 12 assauts nippons de la nuit du 13 au 14 septembre. Epuisés les soldats US réclament des renforts à l’amiral Ghormley qui ne consent que 3000 hommes pour garder ses troupes pour une opération à 500km de là sur l’ile Ndeni. Heureusement, l’amiral Scott qui commande les navires de ligne au large de l’île surprend, de nuit, un convoi de renfort japonais au Cape Esperance et le taille en pièces. Mais le 13 octobre, il est à son tour pris au dépourvu quand deux cuirassés ennemis franchissent son dispositif et bombardent la piste d’Henderson détruisant la moitié des avions. Au-delà de ces actions militaires, la bataille de Guadalcanal met en évidence les dissensions du commandement américain sur les objectifs opératifs, réservant les avions modernes (chasseurs Lightning par exemple) au théâtre européen et en maintenant sur l’île des bombardiers B17 incapables d’attaquer des bâtiments de surface. De la même façon, la gestion logistique de l’opération est une catastrophe avec des infrastructures portuaires inadaptées (déchargement d’un navire à la fois). Enfin, à cause des raids japonais, un navire ne peut rester sur place que pendant 6 jours utiles avant d’être repéré et attaqué. L’amiral Ghormley, qui n’a pas quitté son PC flottant depuis le début des opérations (et qui n’est pas conscient des conditions terribles de vie des soldats sur place) est relevé et remplacé par l’amiral Halsey.


Phase 3 :
Profitant des atermoiements américains, les Japonais se renforcent jusqu’au 15 octobre. Estimant qu’ils disposent d’assez de troupes pour passer à l’action, ils préparent une offensive sur trois fronts simultanés en direction d’Henderson. Mais des erreurs de coordination et de liaison conduisent les forces impériales à attaquer de manière consécutive pour s’échouer sur les défenses des Marines. L’action principale au sud du 23 octobre est un échec et les Japonais perdent 4500 hommes en quelques jours.
Les Nippons tentent un dernier débarquement aux ordres du général Tanaka qui se conclut par un échec. Dès lors le commandement américain décide enfin de faire effort sur Guadalcanal et disposent en décembre de 35 00 hommes sur place et de 250 avions. Les Américains décident alors de contre-attaquer vers le sud pour écraser les forces japonaises. Ces dernières, conscientes de leur faiblesse montent une remarquable opération amphibie pour évacuer en une semaine près de 11 000 hommes. Le 9 février 1943, Guadalcanal est définitivement aux mains des Etats-Unis.



Bilan :
Pertes US 1768 morts – 29 navires
Pertes japonaises 25 000 morts – 38 navires
Enseignements :

- Les Japonais font une mauvaise estimation des objectifs opérationnels américains, considérant que
Guadalcanal demeure une position secondaire, ils sont donc surpris et temporairement paralysés.
- Les Etats-Unis mettent en place une génération de forces inadaptée au terrain et à la mission, laissant de côté l’ensemble des contraintes logistiques.
- La coordination interarmées est défaillante et la planification de l’opération amphibie ne permet pas l’appui  des Marines par des moyens aéronavals.
- Le renseignement obtenu par les Américains est mal exploité et laisse aux Nippons une large liberté d’action pour renforcer leur dispositif au début de la campagne.
- Les Japonais ne renforcent pas suffisamment leur dispositif terrestre et lancent des offensives meurtrières avec des moyens inadaptés perdant par là le bénéfice d’une bonne économie des moyens.
- La marine américaine ne met pas les moyens pour le contrôle de la baie et laisse le champ libre aux raids éclair japonais.
- Pour les deux protagonistes les bases aériennes et navales sont trop éloignées et ne permettent pas de concentrer les efforts au bon moment. Leurs convois sont vulnérables à des actions de harcèlement et l’aviation ne peut rester en appui sur Guadalcanal que pendant de courtes périodes.
- Le commandement américain qui planifie à bord d’un navire sans prendre en compte les réalités du terrain n’arrive pas à faire une bonne appréciation de la situation et retarde inutilement l’arrivée de renforts.
- Les Etats-Unis définissent tardivement l’effet final recherché de l’opération sur Guadalcanal et hésitent sur leur effort dans le Pacifique entre cette île et Ndeni plus au sud.
- Enfin, le choix des équipements pour cette opération (avion, navires,…) est réalisé sur des choix politiques et stratégiques qui ne sont pas adaptés aux contraintes de l’opératif.